Conakry le 15 Mai 2018. L/2018/021/AN Loi portant Protection et Promotion des Personnes Handicapées En République De Guinée.

Conakry le 15 Mai 2018.

LOI ORDINAIRE

       N° L/2018/021/AN

PORTANT PROTECTION ET PROMOTION DES PERSONNES HANDICAPEES  EN REPUBLIQUE  DE GUINEE

 

L’ASSEMBLEE NATIONALE,

 

Vu      la Constitution, notamment en ses articles 72 ;

 

Après en avoir examiné et délibéré a adopté la loi ordinaire dont la teneur suit :

 

 

CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

 

Article 1er : Aux fins de la présente loi, l’expression « Personne Handicapée » désigne toute personne qui présente des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à sa pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

 

Article 2 : La présente loi vise à garantir l’égalité des chances en faveur des personnes handicapées ainsi que la protection et la promotion de leurs droits contre toutes formes de discrimination.

 

Article 3 : La Protection et la Promotion de la Personne Handicapée ont pour buts essentiels d’assurer son insertion sociale et/ou sa réintégration professionnelle et de lui apporter une assistance sociale lui garantissant une vie normale et décente.

Article 4 : Les mesures préconisées pour la protection et la promotion des personnes handicapées dans le cadre de la présente loi s’étendent à toute personne handicapée de nationalité guinéenne résidant en République de Guinée.

 

CHAPITRE II : PROTECTION – EDUCATION - FORMATION ET                           INSERTION PROFESSIONNELLE

 

Article 5 : Sont considérés comme obligations nationales, les politiques et programmes publics de l’Etat nécessaires à la prévention des handicaps, leur traitement, leur prise en charge, la réadaptation, l’éducation, la formation professionnelle, l’insertion socio – économique et la pleine et entière intégration sociale des personnes handicapées.

 

Article 6 : L’Etat et les collectivités territoriales à tous les niveaux impliquent les associations de personnes handicapées et prennent en compte leurs demandes dans la mise en œuvre de leurs compétences en matière sociale.

 

Article 7 : Les personnes handicapées ont le droit de bénéficier d’une éducation, d’une rééducation et d’une formation professionnelle appropriées dans des établissements Publics, Privés et spécialisés.

 

Article 8 : L’éducation et la formation professionnelle des personnes handicapées se feront autant que possible dans des établissements ordinaires et à défaut dans des établissements spécialisés.

 

Les conditions et les modalités d’autorisation d’ouverture des établissements spécialisés seront déterminées par arrêté conjoint des Ministères en charge des personnes handicapées, de l’éducation et de la santé publique.

 

Article 9 : L’ouverture d’un établissement spécialisé d’éducation préscolaire, scolaire, secondaire, professionnelle, supérieure ou de réadaptation des personnes handicapées est subordonnée à une autorisation délivrée par le Ministère en charge des personnes handicapées en collaboration avec les Ministères en charge de l’Education.

 

Les conditions et les modalités d’autorisation d’ouverture de ces établissements sont déterminées par Arrêté conjoint des Ministères en charge des personnes handicapées et de l’Education. 

 

Article 10 : Lorsque les conditions l’exigent, l’élève ou l’étudiant handicapé qui ne peut poursuivre ses études ou sa formation dans sa localité de résidence pour une raison valable tel le défaut de structures d’accueil adaptées à son handicap, bénéficiera dans la mesure du possible de l’appui de l’Etat pour la localité la plus voisine susceptible de pallier cette situation.

 

Article 11 : les personnes handicapées inscrites dans les établissements scolaires quel que soit le cycle ainsi que celles qui sont dans un établissement de formation des cadres bénéficient d’un appui de l’Etat.

 

Article 12 : Les personnes handicapées qui par la nature ou la gravité de leur handicap, ne peuvent suivre une formation technique et professionnelle ordinaire, reçoivent si elles le désirent, une formation adaptée.

 

Article 13: L’Etat et les collectivités locales ont obligation de fournir aux établissements d’éducation de l’enfant handicapé l’appui technique humain, matériel et financier nécessaire à leur création et fonctionnement.

 

Article 14: Les élèves et étudiants handicapés titulaires de la carte de handicapé ne sont pas soumis aux dispositions des textes et règlements relatifs à la limite d’âge et aux renvois des établissements scolaires ordinaires, de formation professionnelle et d’enseignement supérieur. Il est tenu compte de leur statut particulier pour la détermination des conditions de passage des examens et concours.

 

Article 15: Les élèves et étudiants handicapés titulaires de la carte de handicapé poursuivant des études dans les institutions privées quel que soit le cycle, bénéficient d’une réduction sur les frais de scolarité.

 

Le taux de cette réduction est fixé conformément à un accord établi entre les Départements chargés de l’éducation et les représentants des institutions scolaires du secteur privé.

 

Article 16 :   Il est réservé aux personnes handicapées un quota des postes de formation dans les centres publics de formation professionnelle qui seront le cas échéant aménagés selon les besoins spécifiques de la personne à former.

 

 

 

Article 17 :   Tous les systèmes d’éducation et de formation professionnelle seront adaptés afin de permettre aux personnes déficientes visuelles et sensorielles de poursuivre leurs études et formation sans obstacle de quelque nature que ce soit.

 

Article 18 : L’Etat crée des branches spécialisées pour la formation professionnelle des personnes handicapées dans les centres de formation déjà existants et met en place des centres de formation spécialisés pour les personnes handicapées qui ne peuvent en raison de la nature ou gravité de leur handicap accéder aux centres existants.

 

Article 19 : Le Ministère en charge des personnes handicapées en collaboration avec les Ministères de l’Education, de l’Emploi, de la Santé Publique, de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation et autres Départements Ministériels concernés doivent chacun en ce qui le concerne apporter leur aide à la mise en œuvre des programmes d’éducation, d’emploi,  d’insertion socio-professionnelle et de réadaptation en  faveur des personnes handicapées.

 

Article 20 : Le Ministère en charge des personnes handicapées en collaboration avec le Ministère en charge de l’Enseignement supérieur doivent prendre toutes les dispositions adéquates afin que le matériel didactique destiné à l’enseignement et la formation des personnes aveugles, sourdes, sourdes-aveugles et handicapés mentaux soient adaptés en langue des signes guinéenne, en braille et en langue des signes tactile.

 

Des services spécialisés adaptés et inclusifs à l’éducation et la formation des personnes handicapées devront être créés dans les circuits ordinaires de l’éducation nationale en vue de favoriser l’intégration scolaire.

 

Article 21 : L’enseignement général dispensé aux personnes handicapées dans les établissements d’enseignement spécialisé doit être celui dispensé dans les écoles ordinaires.

 

Article 22 : le personnel des établissements publics ou parapublics spécialisés dans l’éducation, la formation, la réadaptation et l’insertion socio-professionnelle des personnes handicapées bénéficie d’une prime spéciale de prestation de services en plus des primes généralement concédées.

 

Le montant de cette prime sera déterminé par arrêté conjoint du Ministère en charge des personnes handicapées, le Ministère des Finances, le Ministère de l’Education nationale et tous autres Départements concernés. 

 

CHAPITRE III : EMPLOI

 

Article 23 : Le handicap ne saurait constituer un motif d’empêchement et de discrimination pour l’accès d’un citoyen à un emploi dans le secteur public ou privé dans la mesure où  l’intéressé dispose des aptitudes nécessaires et que son handicap n’est pas de nature à causer un préjudice ou à gêner le fonctionnement normal du service où il sera appelé à exercer.

 

Article 24 : Tout travailleur devenu handicapé en cours d’emploi doit être reclassé autant que possible chez son employeur.

 

A défaut, il doit bénéficier de son employeur d’une prime lui permettant d’entreprendre une autre activité professionnelle. Ladite prime sera calculée en fonction de la nature et du degré de son handicap.

 

Un arrêté conjoint du Ministère en charge des personnes handicapées, du Ministère  du Travail,  du Ministère de la Santé Publique et du Ministère des Finances fixera le montant de la prime en fonction d’une classification par degré du handicap conformément au code du travail.

 

Article 25 : Toute entreprise soumise au code du travail est tenue de réserver au moins 2% de ses postes d’emploi à des personnes handicapées détentrices d’une carte de personne handicapée et possédant les qualifications requises conformément aux dispositions de l’article 23 de la présente loi.

 

Article 26 : Toutes les personnes concernées par l’article 1er de la présente Loi et relevant des entreprises visées par l’article 25 sont soumises aux dispositions du Code de Sécurité Sociale en vigueur.

 

Article 27 : L’Etat apporte son appui aux personnes handicapées pour la création d’entreprises individuelles, de coopératives de production ou de petites et moyennes entreprises (PME).

 

Cet appui comprend :

  • la mise d’encadreurs à leur disposition ;
  • l’octroi d’aide à l’installation ;
  • des exonérations fiscales partielles ou totales, temporaires ou permanentes ;
  • des garanties de crédits et des appuis techniques auprès des organismes publics ainsi qu’aux ONG d’appui au développement.

 

Les modalités d’application de cet article sont fixées par Décret.

 

CHAPITRE IV : PROTECTION ET AIDE SOCIALE

 

Article 28 : La personne handicapée doit être protégée contre toute forme d’exploitation et de traitement discriminatoires ou dégradants tant par la famille que par la communauté.

 

Article 29 : Les organismes d’assurance et de sécurité sociale doivent prendre en charge les frais de soins, de traitement, d’appareillage et de réadaptation de leurs affiliés.

 

Les frais d’appareillage et de réadaptation des détenteurs de cartes de personnes handicapées qui ne sont pas pris en charge par le régime de Sécurité Sociale, bénéficieront d’un allégement conformément à l’article 30 s’ils exercent une activité rémunératrice et d’une assistance du Fonds national de réinsertion socio – professionnelle des personnes handicapées, s’ils n’ont aucune activité rémunératrice.

 

Article 30 : II est institué une carte de personne Handicapée donnant droit au titulaire les avantages suivants :

1)- l’accès gratuit ou à tarif réduit aux moyens de transports publics, aériens, ferroviaires, routiers et fluviaux ;

2) – la gratuité ou le tarif réduit pour les soins médicaux ;

3) – l’accès prioritaire aux bureaux, guichets des services publics, privés et parkings et du milieu de travail ;

4) – l’accès prioritaire aux lieux de loisirs et de distraction.

 

Les modalités de délivrance et d’utilisation de ces cartes seront déterminées par Arrêté conjoint des Ministères en charge des personnes handicapées, de la Santé Publique, du Transport, de la Communication, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, de la Sécurité, des Finances et de tout autre Département ministériel concerné.

 

Un comité médical local sera constitué pour déterminer le degré d’incapacité en fonction duquel le détenteur d’une carte de personne handicapée aura droit aux avantages énumérés dans ce présent article. Le degré de handicap sera fixé en « taux d’incapacité ».

 

CHAPITRE V : DES ASSOCIATIONS A CARACTERE SOCIAL OEUVRANT

POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DES PERSONNES HANDICAPEES

 

Article 31 : Les Fédérations Nationales, Régionales, Sous-régionales, Réseaux, Associations et groupements de personnes handicapées qui œuvrent pour la promotion socio–professionnelle, culturelle et économique des personnes handicapées, bénéficient de facilités de la part de l’Etat et des collectivités locales pour la réalisation de leurs activités et programmes.

 

Ces facilités sont une subvention de l’Etat, la construction et la mise à disposition d’infrastructures ainsi que d’un personnel qualifié pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle.

 

Article 32 : Les Fédérations nationales, Réseaux, Associations et groupements visés à l’article 31 sont soumis au contrôle des Ministères en charge des personnes handicapées et des collectivités locales quant à l’utilisation de la subvention qui leur est allouée par l’Etat et les collectivités.

 

CHAPITRE VI : DISPOSITIONS PARTICULIERES CONCERNANT LES

      FEMMES ET ENFANTS HANDICAPES

 

Article 33 : Les femmes handicapées doivent bénéficier de toutes les dispositions permettant leur épanouissement spécifique conformément à la Convention relative à l’Elimination de Toutes Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDEF) et la convention internationale sur les droits des personnes handicapées.

 

Article 34 : Conformément aux dispositions de la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) en son article 23 et de la convention internationale sur les droits des personnes handicapées, les enfants handicapés doivent être protégés contre toutes  formes d’exploitations et  de traitements dégradants.

 

Article 35 : Les enfants handicapés (physique, mental ou sensoriel) doivent mener une vie pleine et décente, favorisant leur autonomie et facilitant leur accès à l’éducation et à la formation ainsi que l’intégration active à la vie de la communauté.

 

Article 36 : Les parents ont l’obligation d’assurer la protection et la promotion de leurs enfants handicapés.

 

Cependant, s’il est établi qu’ils ne peuvent le faire, ils seront tenus de requérir l’assistance de l’Etat, des collectivités décentralisées et des associations de bienfaisance pour leur placement dans les centres d’accueil et de formation des personnes handicapées.

 

 

CHAPITRE VII : DE L’ACCESSIBILITE

 

Article 37 : Les édifices publics doivent être munis de rampes d’accès faciles et appropriés aux personnes handicapées motrices. Les lieux d’attraction publics tels que les salles de cinéma, les salles de spectacles doivent dans toute la mesure du possible être munies de voyants lumineux appropriés et facilement repérables aux déficients auditifs et visuels. Il en sera de même pour les aérogares publiques.

 

Les toilettes publiques doivent être aménagées de manière à les rendre accessibles aux personnes handicapées utilisant des fauteuils roulants en y prévoyant des toilettes qui leur sont spécialement destinées.

Les structures sanitaires doivent se doter d’équipements appropriés pour les personnes handicapées ;

Sur les parkings publics les espaces doivent être réservés pour le stationnement des véhicules appartenant aux PH.

 

Article 38 : Dans la construction et la reconstruction des routes et des artères publiques, des rampes d’accès doivent être aménagées pour faciliter la circulation des personnes handicapées motrices utilisant des fauteuils roulants.

 

Article 39 : Les moyens de transport publics doivent être adaptés pour les personnes handicapées motrices.

 

Dans les aérogares nationales, il sera prévu des écrans d’affichage accessibles aux déficients auditifs.

 

Article 40 : A compter de la promulgation de la présente loi :

 

  1. Toutes les nouvelles constructions, édifices et places à usage publics doivent être bâties suivant les normes d’accessibilité universelle ;
  2. Toutes les nouvelles routes seront faites suivants les normes d’accessibilité universelle ;
  3. Les anciennes routes, constructions, places et édifices publics lors de leur rénovation seront rendues accessibles dans un délai n’excédant pas dix (10) ans.

 

Article 41 : Les émissions télévisées et autres moyens d’informations audiovisuelle publiques doivent être accessibles aux déficients auditifs par le sous-titrage et/ou la langue des signes.

 

CHAPITRE VIII : DE LA PARTICIPATION A LA VIE POLITIQUE ET   PUBLIQUE

 

Article 42 : Les partis politiques doivent inclure les personnes handicapées dans leur Manifeste afin de garantir leur représentation dans les diverses instances de délibération et de prise de décisions.

Article 43 : Pour garantir la représentativité des personnes handicapées à l’Assemblée Nationale et les conseils communaux, les partis politiques doivent inclure au moins une personne handicapée sur leur liste et parmi les dix premières positions.

Article 44 : Le Gouvernement doit promouvoir un environnement favorable à la participation à la vie politique et publique des personnes handicapées en leur accordant des facilités d’être élues et en les nommant à des postes de responsabilité et de prise de décision à tous les niveaux. 

Article 45: Les meetings politiques et les campagnes électorales devraient être accessibles aux personnes sourdes notamment l’interprétation en langue des signes.

 

Des services d’interprétation en langue des signes devraient être dispensés sur les lieux des élections afin de satisfaire aux besoins des personnes sourdes. 

Article 46 : Le matériel électoral devrait être disponible en formats accessibles notamment les imprimés en braille, les spots télévisés avec interprétation en langue des signes.

Article 47 : Les isoloirs devraient être accessibles en comportant des rampes d’accès pour les personnes handicapées en fauteuil roulant.

Article 48 : Dans le but de favoriser la participation pleine et entière des citoyens handicapés au processus de développement social et économique du pays, l’Etat doit promouvoir une politique nationale de représentation des personnes handicapées dans les structures de prise de décisions à tous les niveaux.   

              

CHAPITRE IX : DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

 

Article 49 : Un Décret instituera le mois de la solidarité nationale en faveur des personnes handicapées et déterminera les modalités de son déroulement.

 

Article 50 : La Journée Internationale des personnes handicapées et les Journées mondiales spécifiques aux différents types de handicaps seront célébrées en Guinée selon des modalités arrêtées par le Ministère en charge des personnes handicapées.

 

Article 51 : Les personnes handicapées doivent participer activement aux prises de décisions à tous les niveaux, qu'il s'agisse des questions d’intérêt  communautaire général ou d’affaires les concernant plus particulièrement.

 

Article 52 : Les Départements Ministériels concernés, les Gouvernorats, les Préfectures, les Communes urbaines et rurales ainsi que les autres services publics, doivent chacun en ce qui le concerne, concevoir et appliquer des politiques et programmes d’insertion socio – culturelle, économique des personnes handicapées.

 

Article 53 : Dans le but d’harmoniser et de coordonner les politiques et programmes en faveur des personnes handicapées de manière concertée, il sera mis en place un organe consultatif national dénommé « Conseil National du Handicap (CNH) » dont les attributions, le fonctionnement et la composition seront fixés par Décret sur proposition du Ministère en charge des Personnes handicapées. 

 

Article 54 : La présente Loi qui prend effet à compter de la date de sa promulgation sera enregistrée, publiée au Journal Officiel de la République et exécutée comme Loi de l’Etat.

 

 

 

Conakry, le……… …………………..2017

 

 

Pour la Plénière

 

 

         Le Secrétaire de Séance                                 Le Président de Séance,

  Premier Secrétaire Parlementaire             Président de l'Assemblée Nationale

 

 

 

 

   Daouda David CAMARA                         Claude Kory KONDIANO

 

Date adoption