ASSEMBLEE NATIONALE REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail – Justice – Solidarité
Loi
N° /2015/..... 009 ......../ AN
PORTANT MAINTIEN DE L'ORDRE PUBLIC EN REPUBLIQUE DE GUINEE
L'ASSEMBLEE NATIONALE ;
Vu la Constitution,
Après en avoir délibéré et adopté,
Le Président de la République promulgue la Loi dont la teneur suit :
CHAPITRE PRELIMINAIRE : DISPOSITIONS GENERALES
Article 1er : La présente Loi a pour objet de définir les règles applicables aux opérations du maintien de l'ordre public en République de Guinée.
Article 2 : Au sens de la présente Loi, le maintien de l'ordre public est l'ensemble des mesures visant à prévenir les atteintes à l'ordre public et à le rétablir lorsqu'il est troublé.
Le maintien de l'ordre public a pour objet de garantir les conditions d'une vie paisible des groupes et des individus, tout en conciliant l'expression de leurs droits avec le respect des intérêts de l'Etat.
Le maintien de l'ordre public, en fonction de son intensité, recouvre deux natures d'engagement différentes :
- le maintien de l'ordre correspondant à un engagement de faible intensité, vise à sauvegarder un ordre déjà établi ;
- le rétablissement de l'ordre correspondant à un engagement de moyenne ou haute intensité, visant à faire cesser les troubles à l'ordre public dans un environnement dégradé.
Article 3 : Le Maintien de l'ordre public est assuré par les forces de sécurité qui sont instituées pour préserver la sécurité publique, veiller à l'exécution des lois et règlements, protéger les institutions, l'environnement, les personnes et leurs biens.
En temps de paix le maintien de l'ordre public est une mission de Police. Les forces de défense et les forces de Sécurité collaborent en matière d'échanges de renseignements, de formation du personnel, de missions de Police et de préparation à la mobilisation.
En temps de crises et de troubles à l'ordre public, la sécurité des personnes et de leurs biens relève de la Police et le cas échéant de la Gendarmerie au deuxième degré. Dans de circonstances exceptionnelles et sur réquisition du Président de la République, les forces armées peuvent intervenir en dernier ressort pour appuyer les forces de sécurité pour une période limitée dans le temps conformément aux dispositions de l'article 90 de la constitution.
Article 4 : Les mesures préventives concernent l'ensemble des dispositions réglementaires à prendre par l'autorité administrative dans le cadre d’une manifestation notamment les prises de contacts avec les organisateurs, la protection et la sécurisation de l'itinéraire et l'information des usagers de la voie publique.
L'action préventive se manifeste par la protection des personnes et des biens, des libertés individuelles et collectives, l'information du public et le renseignement aux autorités compétentes.
Article 5 : L'action répressive est le complément de l'action préventive. Elle se manifeste par l'intervention active en tous lieux où l'ordre public est troublé et toutes les fois qu'une violation des lois et règlements, est constatée.
Les actions d'intervention résident dans le déploiement de la force publique selon des dispositifs et des techniques spécifiques destinées à contrôler, maintenir, filtrer ou interdire momentanément la liberté de mouvement des personnes dans des espaces déterminés.
En cas de nécessité absolue, ces actions peuvent aller jusqu'à l'emploi de la force avec ou sans usage des armes, conformément à la loi. L'emploi de la force s'exerce dans le cadre strict des dispositions légales et réglementaires qui le régissent.
La force déployée doit être proportionnée au trouble à faire cesser elle doit être désengagée lorsque celui-ci a pris fin.
TITRE 1 : DES PRINCIPES FONDAMENTAUX ET DE L'ORGANISATION GENERALE DU MAINTIEN DE L'ORDRE PUBLIC
CHAPITRE PREMIER : DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU MAINTIEN DE L'ORDRE PUBLIC. SECTION 1 : DU POUVOIR DES AUTORITES RESPONSABLES
Article 6 : Le maintien de l'ordre relève de l'autorité civile qui exerce ses attributions sous la responsabilité du Ministre en charge de l'administration du territoire.
Le Ministre en charge de la sécurité est responsable de l'organisation et de l'exécution des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public.
Toutefois, le maintien de l'ordre public relève :
- du président de l'Assemblée Nationale dans les lieux où elle tient session;
- de l'autorité militaire dans les installations et les établissements militaires;
- de l'autorité judiciaire dans les enceintes des juridictions .
Article 7 : Les forces de sécurité ne peuvent être mises en mouvement par l'autorité civile qu'en vertu d'une demande de concours ou d’une réquisition.
L'autorité civile peut confier les missions de maintien de l'ordre aux forces territoriales ou Unités d'intervention de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.
L'autorité civile qui envisage l'emploi des unités d'intervention procède à une appréciation rigoureuse des besoins en rapport avec les responsables territoriaux de la police et de la gendarmerie.
Sauf nécessité impérieuse liée à l'urgence du maintien ou du rétablissement de l'ordre, l'autorité civile exprime ses besoins suffisamment à l'avance, afin de permettre la coordination des demandes et de disposer des délais indispensables à la bonne préparation opérationnelle et matérielle de leur intervention.
L'autorité civile ne doit pas maintenir à sa disposition les unités d'intervention au-delà du temps nécessaire afin de ne pas obérer leur disponibilité.
Article 8 : Les forces de sécurité sont seules responsables de l'exécution des demandes de concours ou des réquisitions.
Article 9 : Les forces de sécurité doivent se limiter strictement à la mission définie par la demande de concours ou la réquisition.
SECTION 2 : DES DEMANDES DE CONCOURS DES FORCES DE POLICE
Article 10 : La demande de concours se définit comme l'acte par lequel l'autorité civile demande au commandement des forces de police de prêter leur concours afin de maintenir ou de rétablir l'ordre public.
Les demandes de concours adressées par l'autorité civile aux commandements des forces de police sont présentées généralement par écrit. Si elles sont faites verbalement, elles doivent être confirmées par écrit dans les meilleurs délais.
Article 11 : L'autorité civile dans sa demande de concours fixe le but à atteindre et le commandant des forces de police reste responsable des moyens à mettre en œuvre en tenant compte des indications de l'autorité civile quant aux effectifs et la nature des forces à employer.
Lorsque les moyens nécessaires pour exécuter la demande de concours dépassent les possibilités de l'unité visée, il est rendu compte à l'échelon supérieur.
Article 12 : Les demandes de concours visent tous les cas entrant expressément dans les attributions des forces de police.
Article 13 : En cas d’urgence signalée par l'autorité, il appartient au commandant des forces de police, sauf abus ou illégalité flagrante, de s'exécuter et de rendre compte immédiatement à son supérieur hiérarchique.
Article14 : Un arrêté du ministre en charge de l'administration du territoire définira les formulaires de demande de concours.
SECTION 3 : DES REQUISITIONS DES FORCES DE GENDARMERIE
Article 15 : La réquisition se définit comme l'acte par lequel l'autorité civile demande au commandement des forces de gendarmerie de « prêter leur concours afin de maintenir et/ou rétablir l’ordre ». Elle est l'une des traductions du principe de subordination du commandement des forces de gendarmerie à l'autorité civile. Elle se traduit par une demande écrite de mise en œuvre des effectifs, adressée au commandement des forces de gendarmerie par une autorité civile.
Article16 : L'autorité civile fixe le but à atteindre dans ses réquisitions et le commandant des forces de gendarmerie est responsable des moyens à mettre en œuvre en tenant compte des indications de l'autorité civile quant aux effectifs et à la nature des forces à employer.
Lorsque les moyens nécessaires pour exécuter la réquisition dépassent les possibilités de l'unité visée, il est rendu compte à l'échelon supérieur.
Article 17 : les réquisitions doivent énoncer la loi qui les autorise, le motif, l'ordre et le jugement ou l'acte administratif en vertu duquel elles sont faites.
Article 18 : Les réquisitions adressées aux commandements des forces de gendarmerie sont classées en trois catégories :
- la réquisition générale vise à obtenir du commandement des forces de gendarmerie un ensemble de moyens en vue de leur utilisation pour le maintien de l'ordre ;
- la réquisition particulière vise à confier à une unité de la gendarmerie, l'exécution d'une mission précise et délimitée. Elle permet l'emploi de la force mais ne comporte pas l'usage des armes ;
- la réquisition complémentaire spéciale accompagne ou fait suite à une réquisition particulière et autorise l'usage des armes conformément à I ‘Article 40 de la présente Loi.
Dans tous les cas, l'autorité requérante peut toujours substituer une réquisition nouvelle à la réquisition initiale.
Article 19 : un arrête du ministre en charge de l'administration du territoire définira les formulaires de réquisition.
Article 20 : Daris les cas urgents, les autorités administratives et judiciaires peuvent employer exceptionnellement la radio ou tout autre moyen de communication pour requérir les forces de gendarmerie. Dans ce cas, il est mentionné dans le message que cette réquisition va être immédiatement suivie de la réquisition écrit e.
Article 21 : Tant que dure l'effet de la réquisition, les commandants des forces de gendarmerie responsables de son exécution restent seuls juges des moyens à placer organiquement sous leur commandement.
SECTION 4 : DE L’EXECUTION DES DEMANDES DE CONCOURS ET DES REQUISITIONS
Article 22 : Une demande de concours ou une réquisition ne peut être donnée que dans la juridiction territoriale de celui qui la délivre et exécutée par les commandants des forces de sécurité demandées ou requises.
Cette demande de concours ou réquisition vise à mettre en mouvement des forces dont l'autorité civile ne dispose pas directement et auxquelles elle fixe un but à atteindre. Autrement dit, « à l'autorité civile - la décision ; aux commandements des forces de sécurité l'exécution ».
Article 23 : Lorsque les forces de sécurité sont légalement demandées ou requises par l'autorité civile dans l'exécution d'un acte, elles doivent être nécessairement employées en présence de cette autorité ou de son représentant.
Article 24 : La responsabilité pénale et disciplinaire du commandant des forces de sécurité est engagée selon les dispositions légales et réglementaires lorsqu'il refuse d'exécuter une demande de concours ou une réquisition légale ou lorsqu' il exécute une demande ou une réquisition illégale.
Article 25 : Les moyens financiers nécessaires pour le maintien de l'ordre public sont inscrit s, chaque année, sur une ligne du budget sectoriel du ministère en charge de l'administration du territoire pour couvrir les besoins des forces de sécurité engagées.
CHAPITRE II : DE L'ORGANISATION GENERALE DU MAINTIEN DE L'ORDRE PUBLIC
SECTION 1 : DE L'ORGANISATION DES FORCES DE SECURITE
Article 26 : Les forces de sécurité sont composées comme suit :
- Les unités de Police ;
- Les unités de Gendarmerie.
Article 27 : Dans le cadre du maintien de l'ordre public les forces de sécurité et de défense sont classées en trois (03) ordres d'interventions qui sont :
- Forces de première intervention constituées de la Police nationale - Forces de deuxième intervention constituées de la Gendarmerie,
- Forces de troisième intervention constituées des armées.
- Forces de troisième intervention constituées des armées.
SECTION 2 : DES AUTORITES HABILITEES A DEMANDER CONCOURS OU A REQUERIR
Article 28 : Les autorités habilitées à demander le concours ou à requérir des forces de sécurité et de défense pour le maintien de l'ordre sont classées dans l'ordre suivant :
- les maires ou toutes autres autorités en assumant les fonctions ;
- les sous-préfets,
- les préfets ;
- les Gouverneurs ;
- le Ministre en charge de l'administration du territoire;
- le Président de la république
SECTION 3 : LES ATTRIBUTIONS DES DIFFERENTES AUTORITES
Article 29 : L’autorité civile fixe la mission, les objectifs à atteindre, la conduite générale à tenir et conserve le rôle du développement des mesures correspondantes mises en œuvre.
En fonction de l'évolution de la situation, l'autorité civile peut modifier ou suspendre ces mesures. Elle peut décider seule de l'emploi de la force, hormis le cas prévu par l'article 36 ci- dessous.
Dès que les unités sont désignées, l'autorité civile associe leurs commandants à toutes les réunions préparatoires de l'opération.
Article 30 : Les commandants des unités désignées répartissent les missions entre les différentes forces d'intervention en tenant compte de leur organisation, formation et équipement.
Les missions confiées aux différentes catégories de forces doivent être complémentaires et distinctes.
Article 31 : Les unités des forces d'intervention demeurent en permanence sous les ordres de leurs chefs. L'autorité civile ne s'immisce pas dans leur mise en œuvre tactique.
Les commandants des unités engagées ne sont responsables de l'exécution des missions reçues que devant l'autorité civile d'emploi.
Les interventions des forces mobiles doivent s'effectuer en appliquant les moyens et procédés réglementaires.
Article 32 : Pour l'exécution d'une opération du maintien de l'ordre, le fractionnement des forces de police et de gendarmerie est proscrit.
Au cours du service, une liaison étroite doit être maintenue entre l'autorité civile et le ou les commandants des forces désignées.
TITRE Il DE L'USAGE DE LA FORCE CHAPITRE PREMIER : DE L'USAGE DE LA FORCE SANS ARME
SECTION 1 : DE L'USAGE DE LA FORCE AVEC FORMALITES PREALABLES
Article 33 : Dans certaines circonstances, la force peut être employée sans que des violences aient été exercées contre les forces de sécurité. Il s'agit en général de la dispersion d'attroupements qui nécessite la présence sur les lieux de l'autorité civile responsable, seule habilitée à décider de l'emploi de la force après sommation.
Article 34 : Conformément aux dispositions du Code Pénal, est interdit sur la voie publique ou dans un lieu public :
- tout attroupement armé ;
- tout attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquillité publique.
L'attroupement est armé si l'un des individus qui le compose est porteur d'une arme apparente ou si plusieurs d'entre eux sont porteurs d'armes cachées ou d'objets quelconques, apparents ou cachés ayant servi d'armes ou apportés en vue de servir d'armes.
Les représentants de la force publique appelés en vue de disperser un attroupement ou appeler pour assurer l'exécution de la loi, d'un jugement ou d'un mandat de justice peuvent faire usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement les terrains qu’ils occupent ou les postes ou les personnes dont la garde leur est con fiée.
Dans tous les autres cas, l'attroupement est dispersé par la force après que le Gouverneur, le Préfet, le Sous-préfet, le Maire ou l'un de ses adjoints, un commissaire de police ou tout autre officier de police judiciaire porteur des insignes de sa fonction :
-
- annonce sa présence par un signal sonore ou lumineux de nature à avertir efficacement les individus formant l'attroupement;
- somme les participants à l'attroupement de se disperser, à l'aide d'un haut -parle ur ou en utilisant un signal sonore ou lumineux;
- procède de la même manière à une seconde sommation si la première est restée sans résultat.
Article 35 : La décision d'emploi de la force se traduit par une demande verbale aux forces civiles de sécurité et la délivrance d'une réquisition de l'autorité civile au Commandant des forces militaires de sécurité. Ce recours à la force n'implique pas obligatoirement l'emploi des armes.
Article 36 ; L'autorité habilitée à faire les sommations avant de disperser un attroupement par la force, annonce sa présence par une sonnerie de clairon ou à l'aide d'un haut-parleur.
SECTION 1 : DE L'USAGE DE LA FORCE SANS FORMALITES PREALABLES
Article 37 : Le commandant d'une formation ayant reçu une mission de maintien de l'ordre public peut faire usage de la force sans formalités préalables dans les cas suivants :
- lorsque des violences ou voies de faits sont exercées contre son personnel ou autrui ;
- lorsqu'il ne peut défendre autrement le terrain qu' il occupe ou le poste dont la garde lui est confiée.
CHAPITRE Il L'USAGE DE LA FORCE AVEC ARMES CONVENTIONNELLES
SECTION 1 : DES FORMALITES
Article 38 : L'emploi de la force ne peut comporter l'usage des armes que dans le cas d'une nécessité impérieuse lorsque la sécurité des forces de l'ordre est mise en péril ou que l'accomplissement de la mission est manifestement compromis. Les violences ou voies de faits doivent être graves et généralisées.
Article 39 : lorsque l'autorité civile estime nécessaire d'autoriser l'usage des armes, elle délivre une nouvelle demande ou une réquisition complémentaire spéciale.
Article 40 : Les sommations sont faites normalement par l'autorité civile requérante ou par le Commissaire de Police ou l'officier de Police Judiciaire territorialement compétent, désigné par elle. Elles sont renouvelées pour l'exécution de chaque demande ou réquisition complémentaire spéciale.
Article 41 : L'officier de Police Judiciaire mandaté pour exécuter la sommation, ne peut être ni le Commandant de la formation requise ni en faire partie. Il doit, avant d'annoncer sa présence et d'exécuter les sommations, s'assurer que le Commandant de la formation requise a bien reçu de l'autorité civile responsable les notifications ou réquisitions permettant l'emploi de la force sans ou avec usage des armes.
SECTION 2 : DU RECOURS AUX ARMES ET MOYENS CONVENTIONNELS
Article 42 : Les armes et moyens conventionnels sont ceux en dotation dans les unités. Les forces de sécurité, lorsqu'elles ont besoin de moyens supplémentaires, en font la demande à l’autorité supérieure dont elles relèvent.
Article 43 : L'autorité habilitée à faire les sommations avant de disperser un attroupement par les armes, annonce sa présence par une sonnerie de clairon ou par un haut -parleur si possible.
Article 44 : Tout concours ou réquisition des unités d'interventions est suivi d'un compte rendu d’utilisation établi par l'autorité civile responsable.
DISPOSITIONS FINALES
Article 45 : Dans le cadre d'une opération de maintien de l'ordre public, les forces de sécurité doivent privilégier le recours à des moyens non-violents avant de recourir à la force et éventuellement aux armes à feu.
Le recours à la force et aux armes à feu est soumis aux principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.
En cas d'utilisation d'armes à feu, le commandant de l'unité concernée doit, sans délai, faire un rapport sur l'incident aux supérieurs hiérarchiques.
Article 46 : La présente Loi qui prend effet à compter de sa date de promulgation sera enregistrée et publiée au journal officiel de la République de Guinée et exécutée comme Loi de l'Etat.
Conakry le 04 juin 2015
Pr Alpha CONDE