Historique
Historique
La Guinée s’est constituée par une adjonction successive de territoires et de communautés qui à la base n’avaient pas de projet de se constituer en État-nation. Le 17 décembre 1891, le Président Français Sadi Carnot signait un décret portant organisation de la « Guinée française et dépendances » comprenant tous les territoires des Rivières du Sud, soumis à l’autorité d’un gouverneur qui exerce également le protectorat sur le Fouta-Djalon. L’origine précise du terme « Guinée » reste incertaine. Certains estiment qu’il s’agit d’une déformation du nom du royaume de Ghinea ou Génie qui s’étendait sur le haut Niger au 8ème siècle, ou de celui du royaume du Ghana qui couvrait une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest. Pour d’autres, les premiers Européens débarquant sur les côtes auraient rencontré des Guinéennes qui auraient répondu à leurs questions en employant le mot « guinai » qui signifie « femme » dans la langue soussou. Toutefois, dans les années 1891, la Guinée française était formée uniquement de la côte et du protectorat du Fouta-Djalon. Cependant, le territoire s’accroîtra progressivement jusqu’en 1911 en formant les frontières du territoire actuel de la Guinée. Cela a été possible avec la domination des régions de la Haute-Guinée et de la Guinée-Forestière, à travers la chute de Samory Touré et l’achèvement de la résistance des Forestiers et des Coniagui. Un autre territoire à être adjoint à la Guinée fut les îles de Loos, occupées par les Anglais depuis 1818 à travers des accords qu’ils avaient signés avec des chefs locaux. Par un accord franco-anglais du 8 avril 1904, les Anglais cédaient à la France ces îles dont les plus importantes sont Tamara, Room et Kassa.
L’histoire de l’Assemblée Nationale guinéenne est intimement liée à l’histoire politique de la Guinée. Toutes les batailles électorales et les prises de position d’alors étaient ponctuées par la volonté des acteurs politiques à se doter d’un ou de plusieurs sièges au sein de l’Assemblée Nationale française ou au sein de l’Assemblée Territoriale. En effet, l’ancêtre de l’Assemblée Nationale guinéenne est l’Assemblée Territoriale, un instrument politique de l’empire colonial français dans les territoires d’outre-mer. Il faut rappeler que dans les années 1945 il n’existait que très peu d’organisations politiques en Guinée. Celles qui existaient regroupaient principalement les Français et les « évolués ». Eux seuls pouvaient militer au sein des partis qui étaient le simple prolongement des partis politiques de la métropole. Ainsi, la Démocratie socialiste de Guinée (DSG), liée à la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO), eut un élu, Yacine Diallo, lors des élections législatives de 1946 et 1947. Après la création du PDG-RDA, l’élargissement du corps électoral et le manque d’assise populaire de la DSG, diminuèrent progressivement son influence. La mort de Yacine Diallo en 1954 accentua sa faiblesse. L’influence du PDG-RDA (parti progressiste) mettra longtemps à se manifester auprès des électeurs face aux partis conservateurs. Par exemple, aucun candidat se réclamant du PDG n’est élu en 1951 à l’Assemblée Nationale française, ni en 1952 à l’Assemblée Territoriale. Cependant, le vrai travail s’effectue en profondeur. Face aux échecs répétés à ces élections, Sékou Touré et un petit groupe de militants entreprirent d’asseoir la base idéologique du PDG, de l’organiser progressivement et de l’implanter sur tout le territoire.
L’élection partielle à l’Assemblée Nationale à la suite de la mort de Yacine Diallo fut durement disputée entre Sékou Touré du PDG, Ibrahima Barry (appelé communément Barry 3) de la DSG et Diawadou Barry du Bloc Africain de Guinée (BAG). Ce dernier, considéré comme étant le parti conservateur est créé par des groupements régionalistes (l’Union de la Basse-Guinée, l’Union Forestière, l’Union Mandingue, l’Amicale Gilbert-Vieillard) à la suite du constat des progrès du PDG. Soutenu par les chefs traditionnels et l’administration coloniale, le BAG fut proclamé vainqueur avec l’élection de Diawadou Barry comme député, et cela malgré les nombreuses contestations sur des fondements d’irrégularités électorales. Tirant les leçons de l’élection partielle à l’Assemblée Nationale, que Sékou Touré avait qualifiée de « truquée », il poussa le PDG à adopter un nouveau programme d’action politique destiné avant tout à élargir les bases du recrutement, surtout vers les masses rurales (80 % de la population dans les années cinquante), les femmes et les jeunes. Il faudra attendre les élections de l’Assemblée Territoriale de 1957 pour que le PDG s’impose majoritairement dans tout le pays avec quelques petites exceptions. Toutefois, son succès se consolide largement dans toutes les régions de la Guinée. C’est au sein de l’Assemblée Territoriale que la voie menant vers l’indépendance fut dévoilée. En effet, le 20 août, le Général De Gaulle entreprend une tournée dans l’Afrique française pour convaincre les territoires à se prononcer pour le « Oui » pour la communauté, un projet qui lui était cher. Arrivé à Conakry le 25 août, accueilli par une foule mobilisée par le PDG qui l’acclame au même titre que Sékou Touré, il se rend à l’Assemblée Territoriale où le discours de Sékou Touré, suivant celui de Saifoulaye Diallo (président de l’Assemblée Territoriale) scelle la rupture entre la puissance colonisatrice et la Guinée.
Pourtant le discours de Sékou Touré n’avait rien de surprenant lorsque nous savons le projet et la vision qu’il avait pour la Guinée. Mais, dans l’ambiance du moment, l’appel à la reconnaissance de la dignité du peuple africain, le rappel du concours des soldats africains à « la cause de la liberté des peuples et de la dignité humaine » en Europe, le procès de la colonisation, l’exigence du droit à l’indépendance et à l’égalité juridique et du « droit au divorce sans lequel le mariage franco-africain pourra être considéré dans le temps comme une construction arbitraire imposée aux générations montantes », peuvent être interprétés comme une provocation ou une « insubordination ». La phrase clé du discours de Sékou Touré sonne comme un slogan : « nous ne renonçons pas et nous ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l’indépendance » et « il n’y a pas de dignité sans liberté, nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage ». Pourtant, Sékou Touré espère fléchir la position française en affirmant « notre cœur, notre raison, en plus de nos intérêts les plus évidents, nous font choisir sans hésitation l’interdépendance et la liberté dans l’union, plutôt que de nous définir sans la France et contre la France ». Dans sa réponse, le général De Gaulle accepte l’idée qu’il peut s’agir d’une « étape » et que « les peuples africains continueront leur évolution », mais il précise « on a parlé d’indépendance, je le dis ici plus haut encore qu’ailleurs, l’indépendance est à la disposition de la Guinée ; elle peut la prendre le 28 septembre en disant « Non » à la proposition qui lui est faite et, dans ce cas, je garantis que la métropole n’y fera pas obstacle. Elle en tirera bien sûr des conséquences, mais d’obstacles, elle n’en fera pas et votre territoire pourra comme il le voudra et dans les conditions qu’il voudra, suivre la route qu’il voudra. » C’est sur cette note que la Guinée prendra son indépendance le 02 octobre 1958 et El hadj Saïfoulaye Diallo devient le Président de l’Assemblée Nationale pendant que Sékou Touré devient le Président de la République.
Source : Oumar Diakhaby, Ethnicité en Guinée Conakry au prisme de l'organisation socio-politique, Harmattan Guinée, 2017
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