Conakry Le 05 Juillet 2018.
LOI ORDINAIRE
N° L/2018/027/AN
FIXANT LES REGLES DE GOUVERNANCE DES PROJETS PUBLICS EN REPUBLIQUE DE GUINEE
L’ASSEMBLEE NATIONALE,
Vu la Constitution, notamment en son article 72 ;
Vu la loi organique du 6 août 2012 relative aux lois de finance ;
Après en avoir examiné et délibéré a adopté la loi ordinaire fixant les règles de gouvernance des projets publics en République de Guinée dont la teneur suit :
CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES
Article premier : Objet, Définition et Champ d’application
La présente loi a pour objet de déterminer le cadre de gestion des projets publics en vue de préciser et d’harmoniser les attributions des différents acteurs intervenant dans la gestion de ces projets en République de Guinée.
Elle dégage également les grands principes de séparation des fonctions de Maître d’ouvrage et celles de Maître d’œuvre pour garantir l’effectivité, la qualité, le coût et le délai de réalisation des projets.
Ensuite, elle révise la procédure de validation des études, de contrôle ayant pour impacts, la clarification des attributions et la réduction du délai de passation des marchés.
Enfin, elle institue le cadre de financement des études, du contrôle d’exécution et de l’assistance technique des projets.
Article 2 : Définition des termes
Au sens de la présente loi, on entend par :
Maître d’œuvre public : Personne physique ou morale de droit public chargée, dans le cadre de la réalisation d’un marché public, de missions de conception, de supervision et de contrôle, de son exécution et de la réception des prestations objet du marché, au terme d’une convention ou d’un mandat de maîtrise d’œuvre.
Maîtrise d’œuvre Publique : elle désigne la convention par laquelle une autorité contractante, dans le cadre de la réalisation d’un ouvrage, confie à une personne physique ou morale, des missions de conception et d’assistance pour l’exécution, le suivi, le contrôle et la réception des prestations objet du marché.
Maîtrise d’œuvre Associé: Consiste en l’association de personnes physiques ou morales ayant pour objet d'assurer, une prestation matérielle ou morale, dans le cadre de l’exécution d’une délégation de service public dont les attributions de chaque partie sont clairement définies et consignées dans une convention. Le maître d’œuvre rend compte à l’entreprise concessionnaire, pendant que le maître d’œuvre associé rend compte à l’autorité contractante.
La convention de maîtrise d’œuvre : elle désigne l’accord entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre. Elle précise les conditions administratives, techniques et financières d’exécution de la mission de maîtrise d’œuvre ainsi que le profil des experts, le mode et conditions de collaboration avec les sous-traitants ou les co-traitants, les bailleurs de fonds, les organismes publics et les institutions internationales.
Maître d’ouvrage public : Personne morale de droit public, propriétaire final ou bénéficiaire de l’ouvrage ou de prestations objet du marché.
Maître d’ouvrage délégué : Personne morale de droit public ou de droit privé qui reçoit du maître d’ouvrage public, délégation d’une partie de ses attributions ; la délégation revêt la forme d’un mandat confié à un tiers.
Marché public : contrat écrit, conclu à titre onéreux, passé conformément aux dispositions de la loi L/2012/N°020/CNT du 11 octobre 2012 relative aux marchés publics et délégations de service public, par lequel un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de service s’engage envers l’une des personnes morales de droit public ou de droit privé visées dans ladite loi, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des biens ou des services.
Contrat d’opérateur : un contrat d’opérateur est une convention spécifique et contextuelle, par laquelle une personne physique ou morale est désignée pour la réalisation en préfinancement d’une opération.
Ouvrage : résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique ; il peut comprendre notamment des opérations de construction, de reconstruction, de démolition, de réparation ou de rénovation, ainsi que la préparation du chantier, les travaux de terrassement, l’installation d’équipement ou de matériel, la décoration et la finition ou les services accessoires aux travaux, si la valeur de ces services ne dépasse pas celle des travaux eux-mêmes.
Prestations : tous travaux, toutes fournitures, tous services ou toutes œuvres intellectuelles à exécuter ou à fournir conformément à l’objet d’un marché.
Prestation en régie : prestation dont la réalisation est confiée par une autorité contractante soit à l’un de ses services ou établissements publics, soit à toute autre entité qui peut être considérée comme un simple prolongement administratif de l’autorité contractante, ces services, établissements et autres entités étant soumis au code des marchés publics pour répondre à leurs besoins propres.
Réception : acte par lequel est prononcée la fin de l’exécution du contrat de travaux, de fournitures et de services; elle est prononcée par le maître d’œuvre qui possède la responsabilité technique de l’ouvrage, en présence de l’autorité contractante ou d’un représentant de cette autorité qui s’en approprie, de la structure en charge de la passation et de la Direction Nationale des Investissements Publics.
Régie intéressée: contrat par lequel l’autorité contractante finance elle-même l’ouvrage, mais en confie la gestion à une personne physique ou morale qui est rémunérée par l’autorité contractante, tout en étant intéressée aux résultats, que ce soit au regard des économies réalisées, des gains de productivité ou de l’amélioration de la qualité du service.
Affermage : convention par laquelle une personne morale publique (autorité affermante) confie l’exploitation d’un service public à une autre personne morale (fermier) après lui avoir remis les ouvrages nécessaires à cette exploitation, le fermier versant en contrepartie des redevances à la personne morale publique cocontractante.
Concession : la concession est un contrat administratif par lequel une autorité publique, le « concédant », confie à une personne physique ou morale, le « concessionnaire », l’exploitation d’un ouvrage public, ou l’exécution d’un service public avec le droit pour celle-ci, de se rémunérer par la perception de redevances sur les usagers de l’ouvrage ou sur ceux qui bénéficient du service public.
Délégation de service public : contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public relevant de sa compétence, à un délégataire dont la rémunération est liée ou substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation du service ; elle comprend les régies intéressées, les affermages, ainsi que les concessions de service public, qu’elles incluent ou non l’exécution d’un ouvrage.
La privatisation est une action consistant à transférer au secteur privé des pans d'activité dépendant préalablement de la puissance publique.
Article 3 : Champ d’application
Les dispositions de la présente loi sont applicables à tous les projets publics de la République de Guinée à l’exception des projets d’entretien et de maintenance.
Il s’agit des projets initiés par les institutions suivantes :
- l’Etat ;
- les établissements publics à caractère administratif ;
- les établissements publics à caractère industriel et commercial ;
- les collectivités territoriales;
- les organes, agences ou offices créés par l’Etat ou les collectivités territoriales ayant pour mission de satisfaire les besoins d’intérêt général, dotés ou non de la personnalité morale dont l’activité est majoritairement financée par l’Etat ou une personne morale de droit public ;
- les entreprises publiques ou les sociétés anonymes à participation publique majoritaire ;
- les associations formées par une ou plusieurs personnes morales de droit public ;
- les personnes morales de droit privé agissant pour le compte de l’Etat ou d’une des personnes morales indiquées dans la présente loi.
CHAPITRE II : DES GRANDS PRINCIPES DIRECTEURS DE GOUVERNANCE DES PROJETS PUBLICS
Article 4 : Les projets publics sont gérés principalement par le maître d’ouvrage public et le maître d’œuvre public.
Article 5 : Les fonctions de maître d’ouvrage public sont séparées des fonctions de maître d’œuvre public. Les modalités de leur collaboration sont précisées par convention.
Article 6 : De la maîtrise d’ouvrage publique
Le maître d’ouvrage public assure les fonctions ci-après :
- l’organisation des projets,
- la programmation,
- la validation des études,
- la budgétisation et le suivi des projets,
- le financement,
- la réception, l’entretien et la maintenance des ouvrages publics.
A ce titre, il peut requérir l’assistance du maître d’œuvre ou confier certaines fonctions à toute personne physique ou morale ou à un organisme multinational.
Article 7 : Le maître d’ouvrage public peut déléguer cette fonction à une personne de droit public ou de droit privé ou à un organisme multinational. Cette délégation peut se faire par :
- un contrat de service,
- un contrat-plan,
- un contrat de concession,
- un contrat de gestion,
- un contrat de location gérance,
- un contrat de régie intéressée,
- un contrat d’affermage,
- un contrat d’opérateur,
- un contrat de privatisation.
Article 8 : A titre exceptionnel, le Président de la République peut confier la maîtrise d’ouvrage publique à l’un des acteurs publics, privés ou multinationaux de gestion des projets de sa convenance.
De même, en cas d’urgence, de catastrophes ou pour des raisons de sécurité, le Président de la République peut confier la mission de maîtrise d’ouvrage publique et de maîtrise d’œuvre publique à une institution de son choix.
Article 9 : De la maîtrise d’œuvre publique
En collaboration avec le maître d’ouvrage public, la maîtrise d’œuvre publique consiste en la conception des projets, en la direction d’exécution des travaux et en conseil.
Au titre des études, le maître d’œuvre public a pour fonctions de :
- réaliser les études d’Avant Projets Sommaire (APS) ;
- réaliser les études d’Avant-Projet Détaillé (APD) ;
- élaborer le Dossier d’Appel d’Offre (DAO) et s’assurer du respect de son contenu.
Au titre des travaux, le maître d’œuvre public a pour fonctions :
- d’examiner la conformité des plans d’exécution et de délivrer son visa ;
- de certifier les décomptes relatifs aux travaux et les prestations réalisés ;
- d’assumer la responsabilité de l’Ordonnancement des travaux, du Pilotage des chantiers, de la Coordination et du contrôle permanent des chantiers (OPC) ;
- de gérer la Garantie de Parfait Achèvement (GPA).
Au titre du conseil, le maître d’œuvre public a pour fonctions de :
- conseiller le Président de la République ;
- conseiller le Maître d’Ouvrage dans sa fonction telle que définie à l’article 6 de la présente loi ;
- développer en son sein et au sein des administrations publiques une expertise de haut niveau et diversifiée;
Article 10 : Dans l’exercice de ses activités, le maître d’œuvre public peut sous-traiter, co-traiter ou déléguer une partie de ses attributions à toute personne de droit public, de droit privé, ou à un organisme multilatéral.
Article 11 : Dans le cadre des contrats tel que prévu à l’article 7 de la présente loi, le maître d’œuvre public assume les fonctions de maître d’œuvre associé.
Article 12 : En relation avec le maître d’ouvrage qui initie le projet et le Ministère en charge de la planification qui le codifie, le maître d’œuvre public évalue le coût du projet.
Article 13 : La procédure d’identification, de codification et d’évaluation des projets sera définie par un Décret du Président de la République.
CHAPITRE III : DU PILOTAGE ET DE LA COORDINATION DES FONCTIONS ET DES ORGANES DE GESTION DES PROJETS
Article 14 : Dans le cadre des projets transversaux, la coordination se fait à travers un comité de Coordination ou de pilotage dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par Décret du Président de la République.
Article 15 : La maîtrise d’ouvrage publique est assurée par les personnes mentionnées à l’article 3 de la présente loi.
La structure en charge de la maîtrise d’œuvre publique est l’Administration et Contrôle des Grands Projets (ACGP).
Elle est placée sous l’autorité du Président de la République.
Le maître d’œuvre public est membre des commissions relatives aux projets publics et de Partenariat Public-Privé (PPP) en République de Guinée.
Le point focal du maître d’œuvre public au sein des organismes en charge de la maîtrise d’ouvrage est désigné par le maître d’ouvrage.
La collaboration entre le maître d’œuvre public et le point focal est précisée dans la convention de maîtrise d’œuvre.
CHAPITRE IV : DU CONTRÔLE DE LA PROCEDURE DE PASSATION DES MARCHES PUBLICS ET DES PARTENARIATS PUBLICS-PRIVES.
Article16 : Le cadre institutionnel
Le cadre institutionnel mis en place par la présente loi retire l’ACGP de la procédure de passation des marchés publics, pour la recentrer sur les missions de maitrise d’œuvre publique.
CHAPITRE V : DU FINANCEMENT DE LA MAITRISE D’ŒUVRE ET DE L’ASSISTANCE TECHNIQUE
Article 17 : Il est créé un fonds de Maîtrise d’œuvre Publique et d’Assistance Technique. Ce fonds est destiné à la réalisation des études, au contrôle et à l’assistance technique des projets.
Article 18 :L’enveloppe financière de chaque projet prévoit le financement des études, le contrôle de l’exécution des projets et de l’assistance technique. Les modalités desdits financements sont fixées par décret du Président de la République.
CHAPITRE VI : DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 19 : Les projets initiés par les autorités contractantes et antérieurs à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, demeurent régis dans leur exécution par les dispositions qui étaient applicables au moment de leur initiation.
Article 20 : Les modalités d’application de la présente loi seront déterminées par voie réglementaire.
Article 21 : La présente loi qui abroge et remplace toutes dispositions antérieures contraires, sera exécutée comme loi de l’Etat.
Conakry, le …………………..2017
Pour la Plénière
Le Secrétaire de Séance Le Président de Séance,
Premier Secrétaire Parlementaire Président de l'Assemblée Nationale
Daouda David CAMARA Claude Kory KONDIANO